Chap 2: Transmuter

« Je participe à créer le monde dont je rêve »

sAprès l’automne viendra l’hiver et ensuite surement le printemps. Toute la force de l’esprit humain est de pouvoir se projeter dans ce futur que je suis capable d’idéaliser. Je me sens par la même occasion à ce moment là tout puissant.

Dans mon rêve éveillé le printemps est déjà là. Les premiers noisetiers proposent à la colonie du châtaignier ses premiers chatons. J’ai appris à les reconnaitre. Les abeilles qui la composent sont d’un noir profond et plutôt trapues. J’ai entendu dire que ces abeilles noires étaient agressives. Je m’interroge en me demandant s’il faut croire ce que j’ai entendu ou bien faire confiance à mon instinct et à mon expérience. 

Lorsque je m’approche de ce châtaignier une abeille vient systématiquement à ma rencontre. Je ne peux pas dire si c’est toujours la même, mais le rituel reste inchangé. En m’approchant du châtaignier, j’éprouve un plaisir immense de voir les butineuses aller et venir. Je remarque très vite les besogneuses qui reviennent chargées de pollen. Je suis déjà en connexion avec elles et c’est à cet instant que se présente à moi la gardienne. Elle vient me saluer, me sentir. Si elle m’accepte je m’installe. Je n’ai jamais ressenti de l’agressivité, au contraire. Ce sont pourtant bien des abeilles noires. Leurs aïeux étaient des abeilles noires, leurs racines sont d’ici bien que, comme toute espèces vivantes sur cette terre, elles se retrouvent aussi dans de lointaines contrées d’Europe, d’Afrique et du Moyen-Orient. 

Dans mon rêve éveillé, de ce printemps imaginé, vient le temps des premières fleurs et de ses premiers nectars. Le réveil tant attendu de cette nature fait du bien à tous.

L’hiver précédent ou bien celui qui arrive dans le monde réel, l’humanité toute entière a enfin pris conscience de l’urgence d’agir pour se sauver soi-même. Nos enfants ne seront plus là pour réparer ce que nous avons détruit. Nous ne pouvons plus laisser croire qu’ils sauveront ce qui n’existera plus et ce que nous n’avons pas sauvé nous-même.

« Et c’est là que rentre en scène le pouvoir du collectif »

 

La puissance de l’humanité est sans limite. Les femmes et les hommes de cette planète sont capables de tout. Elle est elle-même une ruche gigantesque où chacun à un rôle à jouer. C’est dans le collectif que vient le salut. La ruche du Châtaignier me sert de modèle. Chaque individu soutient la colonie en préservant et en servant la cause de sa source de nourriture et de son lieu de vie.

La passion de certains hommes à honorer la planète a essaimé. Nous tirons tous dans le même sens pour atteindre un but plus grand que soi, celui de redonner la place aux équilibres millénaires des espèces les unes avec les autres.

Nul besoin de changer le monde, juste besoin de changer son monde. Ce qui me semblait inaccessible et inatteignable est alors à portée de main. Chaque activité des abeilles profite à notre écosystème tout entier. 

En effet, une abeille qui part récolter du nectar, va polliniser la fleur d’une plante qui pourra ainsi se reproduire. Durant une journée, une abeille butinera environ 700 fleurs, soit près de 21 millions de fleurs pour la colonie. Cette activité intense leur permettra de fabriquer 1kg de miel, il aura alors fallu parcourir l’équivalent de 60 000 Km, soit 1,5 fois le tour de la terre. INCROYABLE !!! Les seules limites qui existent sont celles que l’on s’impose.

« Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait. » Mark Twain

Alors que je regarde les abeilles en pleine activité, je me rends compte que beaucoup de croyances me limitent. Je propose de commencer par croire en moi, et comme je peux le dire encore à mes enfants aujourd’hui, de croire que tout est possible. Si cette phrase frictionne quelque chose en soi et que cela n’est pas fluide j’ai envie de dire, tant mieux. C’est que la joie immense de cette prise de conscience est encore à venir mais qu’aujourd’hui mes idées sont encore en compétition les unes par rapport aux autres.

Dans le monde des abeilles, Il y a aussi de la compétition, entre les pollinisateurs par exemple. Compétition quand il y a concurrence. Pas assez de fleurs pour nourrir tout le monde et il y aura alors compétition. Les prédateurs permettront peut être de compenser les déséquilibres, mais à quel prix ?

Chaque femme, chaque homme de cette planète n’a pas à s’effacer. Je prends le monde tel qu’il est et dans mon rêve, j’imagine l’humanité dans son entièreté laissant pousser les arbres, les fleurs. Dans chaque jardin, la nature nourricière reprend ses droits.

 

Je me réveille alors de mon rêve qui n’en est pas un. Je me rends compte que la saison des abeilles ne commence pas au printemps mais bien maintenant en ce début d’automne où le lierre permet de compléter les réserves pour pouvoir passer l’hiver. Pour ma part je décide de tout mettre en oeuvre dans mon jardin afin de le rendre le plus nourricier possible. Chaque action que je fais est alors soumise à la question de la conséquence de mes actes. Je considère chacune d’entre elles selon l’impact qu’elle aura sur le pouvoir nourricier de mon jardin, de mon balcon, de mon extérieur en général. Je m’autorise aussi à ce que tout ne soit pas parfait mais je casse dès maintenant une de mes limites.

Je lui permets à ce petit jardin d’accueillir la vie. Les papillons se retrouveront bien ici. Les abeilles sauvages reviendront coloniser mes parterres de fleurs. La lavande sera recouverte par une nuée d’abeilles. Les parfums seront intenses. J’aurais la chance de voir sur un pissenlit une abeille aussi noire que les abeilles du Châtaignier. Je ne suis pas si loin, qui sait peut-être qu’elle vient de là bas.

Mon monde change et, avec lui, j’invite celles et ceux qui le souhaitent à transmuter le leur.