Chap 1: Une prise de conscience

« Passer sa vie à contempler la nature »

Je me retrouve ici au pied d’un arbre bi centenaire ou plus d’ailleurs. Il aurait fallu que je sois là le jour où sa graine a germé ou bien il faudrait que je le coupe pour connaitre son âge. Être là au commencement ou être là le dernier jour de sa vie  pour connaitre son âge sans rien connaitre de ce qu’il a traversé:  les tempêtes, les sécheresses, les rayons du soleil sur son tronc, les oiseaux qui ont fait leur nid dans ses branches, les amoureux qui se sont retrouvés ici car on y est bien. Me retrouver ici adossé sur cet arbre m’apaise. C’est pourtant l’automne aujourd’hui, je sens bien que la nature se prépare pour l’ hiver qui arrive. Évidemment, je suis mouillé d’être assis au pied de cet arbre, un matin où la rosée recouvre tout. C’est désagréable et en même temps si bon d’être là pour le réveil de cette nature encore assoupie.

Être assis ici m’a toujours inspiré. L’idée de la coopération m’est apparu en admirant le va et vient des fourmis qui habitent ce lieu. Les fleurs éclosent et laissent un parfum dans l’air que je respire, même en ce début d’automne.

Le soleil met du temps à se lever aujourd’hui mais un rayon de soleil me réchauffe et je sais, pour bien connaitre cet endroit, que l’essaim qui se retrouve dans ce trou de pic vert au dessus de moi va bientôt s’éveiller.

 Il va être temps pour les butineuses de partir travailler sur le lierre en fleur pour compléter les réserves pour l’hiver. Ce nid se trouve à un bon 4 mètres au-dessus de ma tête. Les abeilles me côtoient régulièrement ici et j’aime à penser que je suis devenu leur compagnon.

Cela a commencé le jour de ma première venue,  il y a quelques années. L’odeur de l’endroit me plaisait. Je ne savais pas à l’époque que cette odeur était le fruit du mélange de l’odeur de la cire et du miel, de la propolis et du pollen. Elle ne me quittera plus jamais.

Une abeille était venue juger de ma bienveillance envers sa colonie. Elle était curieuse de savoir si cet humain pouvait rester prêt de sa demeure sans aucun risque pour elle. Je me souviens très bien de ce moment privilégié. Elle était là, volant tout proche de mes mains afin de scruter mes réactions. La verdure du lieu contrastant avec le marron de la forêt, le soleil et cette abeille dans ce décor donnaient à ce paysage une beauté féérique. Elle finit par se poser sur mon index au moment où celui-ci s’apprêtait à tourner une page. Elle stoppa mon geste mais un nouveau chapitre de ma vie venait de commencer à s’écrire avec elle.

« Que fait cette abeille ici et maintenant  sur mon doigt ? Qu’est ce qui fait que cette colonie se soit installée dans ce vieux châtaignier ? Depuis combien de temps ?  Pourquoi ce si petit individu est si important dans ce monde ? Pourquoi j’ai l’impression que cette rencontre n’est pas vraiment le fruit du hasard ? »

Ces questions me venaient à l’esprit sans que je le décide, elles s’invitaient à moi grâce à cette rencontre et à ce premier contact. Cette si petite abeille bien qu’armée d’un dard semble si fragile  et pourtant elle se pose quand même sur le doigt d’un géant. Cette témérité fait surgir toutes ces questions dans ma tête. 

Cette abeille ne devait son salut et sa subsistance qu’a la faculté des fleurs à lui fournir un nectar sucré pour se nourrir. Les arbres quand à eux ne devaient leur capacité à se reproduire qu’au pouvoir de dissémination du pollen de fleurs en fleurs par les abeilles.

Sans les abeilles, les végétaux ne se reproduisent pas et sans les fleurs les abeilles n’existent pas.

Cette prise de conscience est vertigineuse. Et pourtant tout le monde sait cela.

« Les abeilles pollinisent  les fleurs »

Mais le vertige vient de la prise de conscience que sans les abeilles il n’y aurait plus de fruit dans nos gâteaux, plus aucun légume dans nos salades. Plus aucune couleur sur nos tables, plus de parfums agréables dans nos jardins. S’il est possible d’imaginer cela, il est bien plus probable de prendre conscience de la magie de la vie du monde dans lequel nous vivons.

L’apparition des plantes à fleurs date du Jurassique (-201 à -145 millions d’années) et avec elles, les premiers hyménoptères (une grande famille qui regroupe aujourd’hui les abeilles, guêpes, bourdons, frelons…). Ce couple a évolué ensemble, s’est adapté aux prédateurs et a survécu à de nombreuses extinctions de masse.

Comme l’extinction du Crétacé-Paléogène il y a 66 millions d’années avec la disparition de 50% des espèces. Je sais qu’elles ont survécu car elles sont toujours là aujourd’hui au dessus de ma tête mais je sais aussi que je vis sans en avoir vraiment conscience, une extinction en cours, celle de l’Holocène depuis 13 000 ans due à la colonisation de la planète par mon espèce. Je ne sais ce que sera son futur. Tous les scénarios ne sont que des suppositions, plus ou moins documentées, mais je reste admiratif tant qu’elles me permettent de vivre avec elles ces merveilleuses interconnexions, ici et maintenant.

Cette prise de conscience me met au service de cette cause plus grande que moi.

« Prendre ma place dans ce monde afin que ce qui est merveilleux le soit encore pour mes enfants »

Cela m’invite à me mettre en action pour aider, à mon échelle, à transmuter la pression que l’homme a sur elle. 

Cela commence ici avec cette révélation et l’envie de l’essaimer parmi les miens afin que la force du collectif soit utilisée pour protéger ce qu’il y a de plus beau.